La quête de l'Éthiopie pour un accès à la mer Rouge, une nécessité existentielle générant des retombées positives au niveau régional. - ENA Français
La quête de l'Éthiopie pour un accès à la mer Rouge, une nécessité existentielle générant des retombées positives au niveau régional.
Traduit de l'article anglais de Yordanos D.
Deuxième pays le plus peuplé d’Afrique et doté d’une économie en croissance rapide, l’Éthiopie se trouve aujourd’hui face à un enjeu stratégique majeur : l’accès à la mer Rouge.
Cette question ne se limite pas à une revendication politique ou symbolique.
Il s’agit, pour le pays, d’une nécessité existentielle, profondément liée à sa trajectoire économique, à sa sécurité, à la coopération régionale et à la stabilité durable de la Corne de l’Afrique.
L’accès à la mer Rouge est ainsi bien plus qu’un simple droit : c’est un facteur déterminant de développement et de survie nationale.
Historiquement, l’Éthiopie a toujours été connectée à la mer Rouge à travers ses ports de Massawa et d’Assab, qui ont pendant des siècles servi de portes d’entrée vitales pour le commerce international et les échanges économiques.
Ces ports ont permis au pays de s’intégrer pleinement aux routes commerciales mondiales, de renforcer son influence régionale et de soutenir la prospérité de ses populations.
Cependant, la sécession de l’Érythrée en 1993 a profondément changé cette dynamique. Pour la première fois de son histoire, l’Éthiopie s’est retrouvée enclavée, privée d’un accès direct à la mer.
Une situation qui, au-delà des enjeux pratiques, a constitué un véritable bouleversement stratégique et économique.
Selon le Premier ministre Abiy Ahmed, « une population de plus de 120 millions d’habitants ne peut rester enclavée.
La génération actuelle ne doit pas léguer à la postérité une nation isolée géographiquement. » Cette déclaration illustre la gravité de la question : l’accès à la mer Rouge n’est pas un luxe, mais un impératif national, une condition préalable à la réalisation des ambitions économiques et sociales du pays.
La perte du port d’Assab, intervenant sans fondement juridique ni approbation populaire, a engendré un fardeau économique considérable.
Il ne s’agit pas d’une simple revendication historique, mais d’une demande légitime, fondée sur des droits historiques, géographiques, économiques et légaux.
Le rôle stratégique de la mer Rouge ne se limite pas à l’Éthiopie. Cette étendue maritime est un axe vital du commerce mondial, traversé par une part importante des échanges pétroliers internationaux et par les flux commerciaux reliant l’Asie, l’Europe et l’Afrique.
Plusieurs puissances mondiales y ont implanté des bases militaires, soulignant son importance géopolitique.
Dans ce contexte, la situation de l’Éthiopie, située à quelques dizaines de kilomètres de la mer, devient d’autant plus préoccupante : le pays ne peut se permettre de rester isolé de cette voie maritime stratégique.
Face à ces défis, l’Éthiopie adopte une approche résolument pacifique et constructive.
Le pays cherche à rétablir son accès à la mer Rouge par la négociation et la coopération mutuelle, privilégiant les solutions diplomatiques et juridiques. Cette approche s’inscrit dans une vision régionale plus large, visant à renforcer la stabilité, la paix et la prospérité dans la Corne de l’Afrique.
L’accès maritime, loin d’être un enjeu exclusif à l’Éthiopie, représente également une opportunité pour les pays côtiers et pour l’ensemble de la région : il peut favoriser le commerce, stimuler l’investissement et renforcer la collaboration interétatique.
Pour l’Éthiopie, la quête de la mer Rouge ne relève pas uniquement de la stratégie économique.
Elle s’inscrit dans une démarche de leadership régional, où le pays cherche à promouvoir la coopération, la non-ingérence et le respect mutuel.
La stabilité de la Corne de l’Afrique dépend en grande partie de l’intégration et de la coopération entre ses États.
Dans ce cadre, l’Éthiopie considère son accès maritime comme un moteur de confiance et de collaboration, capable de générer des retombées positives pour tous les acteurs régionaux.
Cependant, cette aspiration se heurte à des tensions historiques et géopolitiques persistantes.
L’Égypte, en particulier, a souvent cherché à freiner les initiatives éthiopiennes, notamment sur le contrôle des ressources du Nil Bleu, et continue de diffuser des discours qui s’opposent à la souveraineté éthiopienne sur ses droits d’accès à la mer Rouge.
L’Érythrée, de son côté, a parfois servi d’instrument à ces manœuvres, en s’alignant sur certaines positions égyptiennes, comme en témoigne son rejet du Grand barrage de la Renaissance.
Le barrage est un projet stratégique majeur, symbole de la modernisation et de l’intégration régionale de l’Éthiopie qui représente un instrument d’émancipation économique et énergétique pour le pays et un moteur d’inspiration pour toute l’Afrique.
Selon les propres mots d’Isaias Afwerki, président de l’Érythrée, le soutien de l’Égypte à l’indépendance érythréenne n’était pas motivé par le bien-être du peuple érythréen, mais par une stratégie visant à affaiblir l’Éthiopie, acteur clé du bassin supérieur du Nil.
Cette dynamique démontre comment certaines alliances extérieures ont historiquement cherché à déstabiliser l’Éthiopie et, par ricochet, toute la région.
L’Égypte et l’Érythrée ont d’ailleurs été impliquées dans la prolongation et l’aggravation de conflits dans la Corne de l’Afrique, y compris au Soudan, perturbant durablement la stabilité régionale.
Malgré ces obstacles, l’Éthiopie maintient une politique cohérente de dialogue et de coopération. Le pays privilégie une approche gagnant-gagnant avec ses voisins, basée sur la non-ingérence, le respect des souverainetés et le partage équitable des bénéfices économiques.
Le Premier ministre Abiy Ahmed a réaffirmé que la recherche d’un accès à la mer Rouge se ferait exclusivement par des moyens pacifiques et légaux, soulignant que le développement éthiopien profiterait également aux pays voisins et renforcerait l’intégration régionale.
Les efforts de l’Éthiopie se traduisent concrètement par des projets d’infrastructure de grande envergure, conçus pour faciliter la connectivité régionale et stimuler le commerce.
Routes, voies ferrées et interconnexions électriques sont autant de vecteurs de développement, démontrant la capacité du pays à transformer un défi géopolitique en opportunité collective.
L’accès à la mer Rouge est perçu comme un catalyseur pour l’investissement, le commerce et la coopération économique, susceptible de profiter à l’ensemble de la région.
Sur le plan économique, l’enjeu est crucial. Il y a trente ans, l’Éthiopie disposait de deux ports pour une population de 46 millions d’habitants et une économie de 13 milliards de dollars.
Aujourd’hui, la population dépasse les 120 millions et l’économie a été multipliée par vingt, ce qui rend l’accès maritime indispensable pour soutenir le commerce, l’industrie et le développement durable.
La sécurisation d’un port maritime fiable constitue donc une priorité stratégique, capable de soutenir la croissance démographique et économique du pays tout en consolidant son rôle régional.
En conclusion, la quête éthiopienne pour un accès à la mer Rouge dépasse largement la simple dimension territoriale.
Elle représente un impératif national, un vecteur de développement et un instrument de stabilité régionale. L’Éthiopie cherche à atteindre cet objectif par la coopération, le dialogue et la négociation pacifique, transformant une nécessité historique en une opportunité contemporaine.
Selon le Premier ministre Abiy Ahmed, « l’existence même de l’Éthiopie est liée à la mer Rouge. » Réaliser cette aspiration, dans le respect des droits légitimes et des principes de coopération, constitue un moteur de prospérité collective et un levier pour la paix durable dans la Corne de l’Afrique.
En promouvant des solutions mutuellement bénéfiques, l’Éthiopie illustre la manière dont un pays peut, même confronté à des défis géopolitiques complexes, transformer des contraintes historiques en opportunités de développement économique, d’intégration régionale et de stabilité politique.
L’accès à la mer Rouge est ainsi non seulement une nécessité vitale pour l’Éthiopie, mais également un catalyseur potentiel de coopération, de prospérité et de paix dans toute la région.
À noter : les points de vue présentés dans cet article sont propres à son auteur et ne représentent pas nécessairement la position officielle de l'ENA.